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LES DEUX FRATERNITÉS

crets. Il était composé d’ouvriers dont la tenue simple et correcte contrastait avec les manières grossières et bruyantes de ceux qui les entouraient.

À tous, M. de Mollens et M. Hablin serrèrent la main avec de cordiales paroles. Entre ces fils du peuple et ces deux hommes distingués, intelligents et bons, qui leur donnaient, avec leur cœur, une partie de leur temps et de leur fortune, on sentait l’affection réelle et forte, l’amitié sincère, sans défiance.

— C’est-y vous, monsieur, qui répondrez aux bêtises du petit Goton ? demanda un jeune ouvrier en se reculant pour avancer la chaise de M. de Mollens.

— Non, c’est M. Hablin qui aura cet honneur. Je me suis réservé Prosper Louviers ou Julien, comme vous voudrez.

— C’t’espèce de canaille ? dit un ouvrier d’un certain âge avec un geste de mépris fort expressif. Dites-lui bien son fait, monsieur le marquis, faites-lui rentrer ses mensonges dans la gorge.

— Le voilà ! chuchota Cyprien.

Sur l’estrade venaient d’apparaître deux hommes. L’un était petit, bedonnant, le front chauve, la mine chafouine. L’autre était Prosper Louviers — non plus le Louviers élégant, cherchant, dans ses manières et sa tenue, à singer le grand seigneur, mais un Louviers démocratique, bon enfant, les mains dans ses poches, la tenue négligée, l’air souriant et affable.