Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
LES DEUX FRATERNITÉS

a heureusement beaucoup qui ne sont pas disposés à cesser le travail. Et dire que nous devons tous ces ennuis à de misérables farceurs dans le genre de ce Prosper ! ajouta Cyprien avec un coup de poing qui ébranla la table et fit sursauter Louis et Lucien.

— Allons, mange tranquillement, dit Micheline en plongeant la cuiller dans le plat. Avance ton assiette. Veux-tu que je te serve ? Laisse ton journal, voyons !

— Une minute seulement, ma petite femme, il faut que je voie quelque chose. Il m’a semblé qu’il y avait un petit entrefilet après le résultat de l’élection. C’est ça. Ah ! par exemple. Écoute, Micheline : « Le candidat socialiste élu est le beau-frère de Jules Morand, le député socialiste qui a épousé il y a deux ans Mlle Louviers. » Eh bien ! ils se sont casés tous deux, hein ? Car Morand est riche, lui aussi. Ah ! si je me doutais tout de même qu’ils arriveraient là !

Micheline secoua doucement la tête en disant gravement :

— Je pense que, malgré tout, nous sommes encore plus heureux qu’eux, vois-tu.

— Et moi, j’en suis sûr ! déclara Cyprien en se penchant pour embrasser sa femme.

À cette heure même, une luxueuse automobile s’arrêtait avenue du Trocadéro devant une maison de fort belle apparence. Un homme grand et un peu fort, vêtu d’une riche pelisse de fourrure, en descendit vivement et s’engagea sous l’entrée ornée de superbes plantes vertes et