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LES DEUX FRATERNITÉS

vraie, la seule fraternité était dans le socialisme, que là était pour nous le bonheur, le salut, et qu’il fallait faire le grand chambardement pour renverser toutes les vieilles histoires d’autrefois… Pourtant, qu’est-ce qui nous a secourus ?… Qu’est-ce qui nous a aimés, tout misérables que nous sommes ? Mlle Césarine, qui va à la messe et qui nous parle du bon Dieu… Le vieux curé, qui nous apporte des livres et qui n’a pas hésité à m’embrasser un jour où je lui disais : « Je suis un maudit, je ne suis pas un homme », pour me prouver qu’il me considérait comme son semblable… Vous, monsieur, et votre jolie dame, qui êtes des gens de la haute et des dévots… Mais les socialistes, qui les a vus ici ?

Mlle Césarine regardait avec stupeur son protégé. Depuis longtemps, il n’avait tant parlé. Il fallait vraiment qu’il en eût gros sur le cœur.

Le pénétrant regard de M. de Mollens se posa sur le pauvre visage de Lorin.

— Ne vous en étonnez pas, mon ami. Le socialisme veut nous ramener au paganisme… Et qu’était, aux yeux des païens, le pauvre, le déshérité de ce monde ? Qui s’en souciait, qui le plaignait et le soulageait ? Il a fallu le christianisme pour glorifier la pauvreté… C’est pourquoi, Lorin, ceux qui souffrent dans leur âme ou dans leur corps ne trouveront jamais plus d’aide et d’amour que près des disciples de Celui qui a voulu naître, vivre et mourir dans la pauvreté absolue.