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LES DEUX FRATERNITÉS

ferions de ces horreurs-là, je te le demande ? On se meublera de neuf… et du cossu, tu sais ! Oh ! je m’y entendrai, compte sur moi !

Elle entra dans sa chambre, et Prosper, machinalement, s’approcha de la fenêtre.

Il eut un léger tressaillement. Du corps de logis qui lui faisait face sortait en ce moment Micheline, vêtue d’une modeste petite robe brune, un tablier bleu bien propre noué autour de sa taille, ses beaux cheveux blonds relevés avec une simplicité qui seyait au caractère sérieux de sa jolie physionomie.

— Micheline ! murmura Prosper, dont le regard s’adoucissait soudain. Quelle gentille petite femme elle ferait ! Avec des toilettes élégantes, elle aurait un chic !… autant que la petite marquise. Maintenant que je suis riche, je pourrais payer quelqu’un pour soigner sa mère…

Il appuya son front contre la vitre et s’absorba quelques instants dans ses réflexions. Puis, levant brusquement les épaules :

« Fou que je suis ! Épouser une femme sans le sou !… Avec sa mère à ma charge ! On croirait, ma parole, que je suis devenu millionnaire. Trois cent mille francs, ça ne mène pas si loin, de nos jours. Il faudra que je fasse un mariage riche, c’est indispensable si je veux arriver à quelque chose… Et puis elle est trop dévote, ça me nuirait… Ou bien il faudrait que je bataille pour la faire changer, et je ne sais encore si j’y arriverais, car elle a l’air d’avoir une grande