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LES DEUX FRATERNITÉS

logis où ils habitaient, un vieux prêtre en sortait, reconduit par la petite femme en bonnet noir qui causait la veille avec Micheline Laurent quand Prosper était rentré. Le jeune ouvrier frôla le prêtre sans même soulever son chapeau en lui jetant un coup d’œil de dédain railleur.

Dans l’étroit couloir, la même porte que la veille était ouverte. Comme le frère et la sœur passaient, une forme humaine se dressa dans cette ouverture, et tous deux détournèrent la tête dans un brusque mouvement d’horreur… Le visage qui se montrait à eux était littéralement dévoré par un chancre hideux.

Ils se hâtèrent vers l’escalier et Zélie murmura avec colère :

— Cette bigote de Césarine devrait bien enfermer ses monstres ! Si ça l’amuse de peiner tout le jour pour soigner et entretenir ces gens-là qui ne sont que des étrangers pour elle, ce n’est pas une raison pour soulever le cœur des autres par la vue de ces êtres épouvantables.

— Sûr ! opina Prosper. Elle est un peu toquée, celle-là, faut croire, pour aller ramasser comme ça des infirmes, et quels infirmes !

En entrant dans leur logement, ils jetèrent un coup d’œil autour d’eux. Mépris inexprimable, triomphe, joie débordante, orgueil immense, il y avait de tout cela au fond de ce regard.

— Naturellement, on abandonnera tout ça ? dit dédaigneusement Prosper avec un geste circulaire.

— J’te crois, mon ami ! Qu’est-ce que nous