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LES DEUX FRATERNITÉS

— Dis donc, ce n’est pas un rêve, Zélie ?

— Eh ! pardi non ! fit-elle d’une voix tremblante de joie. C’est bien nous, Prosper… nous qui allons avoir cette fortune… Comprends-tu, nous allons être riches !… Riches, nous aussi !

Elle avait pris le bras de son frère et le serrait avec une sorte de frénésie.

— Tu parlais de cent mille francs !… Ah ! quelle misère, mon petit ; pour un peu, nous serions millionnaires !

— Allons, parle pas si haut, c’est pas la peine que tout le monde soit au courant de nos affaires, dit Prosper, se ressaisissant enfin et jetant un coup d’œil autour de lui.

— Tu as raison… Mais je voudrais bien m’asseoir, j’ai les jambes comme coupées !

— Viens par ici, alors, on va tâcher de se remettre.

Il l’entraîna vers le Luxembourg, tout proche.

Ils se laissèrent tomber sur un banc et demeurèrent quelque temps silencieux, ahuris encore, comme écrasés, une sorte d’ivresse au fond de leurs prunelles.

— Non, je ne peux pas m’imaginer que c’est nous… que c’est nous ! murmura enfin Prosper en passant la main sur son front.

Zélie reprenait peu à peu possession d’elle-même, sa tête se redressait, son regard brillait d’orgueil et de bonheur…

— Il n’y pas de doute, Prosper, nous sommes bien les neveux de Jean-Martin Louviers. L’héritage est à nous… Plus d’atelier, plus d’usine !