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LES DEUX FRATERNITÉS

de riches, qu’est-ce qu’ils feraient, ceux-là ? Et Mme de Mollens se trouve obligée par sa position d’avoir un certain train de maison. Mais je sais, par un des domestiques du marquis, qu’elle le réduit le plus possible et qu’il n’y a personne de plus simple, de plus modeste qu’elle… Et bonne pour ses serviteurs, paraît-il.

— Une perfection, quoi ! dit Zélie d’un ton acerbe. C’est facile, du reste, quand on a de l’argent, de faire la généreuse et la charitable !

— N’empêche qu’il n’en manque pas qui le gardent pour eux seuls, leur argent !… Mais vous me faites bavarder et je me retarde. Au revoir, les cousins !

Il s’éloigna d’un pas alerte, tandis que Zélie et Prosper sortaient à leur tour et prenaient la direction opposée.

— Ce calotin de Cyprien a toujours la bouche pleine des mérites de ses curés et des aristos ! dit Prosper en levant les épaules. S’il y en avait beaucoup comme lui, les prolétaires redeviendraient les esclaves de ces gens-là, qui font mine d’être les amis du peuple pour mieux l’asservir et l’exploiter. Mais, heureusement, il n’y a rien à craindre. Nous autres, les socialistes, gagnons chaque jour du terrain, et nous pouvons déjà saluer l’aurore de la grande émancipation du peuple, de la ruine de l’odieux capital, du partage entre tous les hommes devenus véritablement frères, sans aucune barrière sociale !

— Parle pas si haut ! dit Zélie en lui cognant le coude. Tu n’es pas devant les camarades,