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LES DEUX FRATERNITÉS

pourras vraiment être heureuse, si tu sais mettre ton bonheur dans le devoir accompli pour Dieu.

Après le dîner, la mère et la fille vinrent s’asseoir près d’Alexis. Le jeune homme semblait ce soir très abattu et extrêmement sombre. Suzanne lui prit la main et dit avec douceur :

— Tu ne me rappelles pas ma promesse de cet après-midi, Alexis ?

Il eut un geste vague et murmura :

— À quoi bon ! Je ne veux pas vivre.

— Même si je restais toujours près de toi ?

Il tressaillit, un rayon de bonheur traversa son regard fatigué. Mais il répondit sourdement :

— Je n’accepterai jamais cela. Je ne veux pas ton malheur, Claudine.

— Mais si c’était un bonheur pour moi de t’entourer de soins, de te voir heureux autant que tu peux l’être ? Si je te disais : « Alexis, je serai ta femme dévouée et aimante, comme ton pauvre père me l’a demandé un jour ? »

Les traits crispés, les yeux étincelants d’une expression où se mêlaient le bonheur et l’angoisse, il regardait Suzanne rougissante d’émotion, il écoutait la douce voix toute frémissante. Tout à coup, il étendit brusquement la main.

— Tais-toi ! Je ne veux pas de ton sacrifice ! J’ai pu le désirer autrefois, dans un moment de fol égoïsme… et encore, à ce moment, j’espérais que tu arriverais à m’aimer. Mais, maintenant, je n’accepterais pas une pareille immolation de ta part. Oh ! ne proteste pas, ce mot d’immolation n’est pas trop fort, si tu te rappelles les