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LES DEUX FRATERNITÉS

trouves tout prêt en arrivant. Les hommes sont de grands égoïstes, mais ce n’est pas moi qui flatterai ce défaut, je t’en réponds.

Elle avait une voix nette et brève, qui s’accordait bien avec sa physionomie décidée, un peu dure, et ses mouvements assurés.

— Oh ! je m’en doute, dit ironiquement Prosper. Tu feras bien de trouver un mari qui se laisse conduire, sans ça !…

Elle se détourna, une assiette à la main, sa lèvre soulevée par un sourire moqueur.

— N’aie pas peur, je saurai choisir… Du reste, je ne suis pas pressée, j’aime trop ma liberté.

Elle s’approcha, repoussa les assiettes non lavées et attira à elle une miche de pain entamée.

— J’ai été prendre un bouillon en sortant de l’atelier, ce qui m’a permis d’attendre… Veux-tu manger un peu ? J’ai rapporté de la charcuterie ; il est trop tard pour faire la soupe.

Il inclina la tête en signe d’assentiment et se coupa à son tour une tranche de pain.

— Tu as été te promener sur les boulevards ? interrogea-t-il en attirant à lui le papier sur lequel s’étalaient des tranches de saucisson et de galantine.

— Oui, j’ai été m’emplir les yeux de merveilles et le cœur de fiel contre ces misérables riches !

Prosper eut une sorte de rictus.

— Comme moi… Nous nous disputons quel-