Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
LES DEUX FRATERNITÉS

celle-là ! Elle ne sera pas la dernière à prendre sa part dans la grande distribution. »

Le fourneau ronflait maintenant. Prosper jeta sa casquette sur le lit et se mit à marcher de long en large, les mains dans les poches, le front profondément plissé.

Il s’arrêta tout à coup devant la fenêtre où pendait un lambeau de rideau brodé. Son regard se dirigea vers le bâtiment qui lui faisait face, de l’autre côté de la cour ; il se posa sur une fenêtre dont le rideau relevé laissait voir une svelte silhouette féminine penchée vers un fauteuil où se distinguait une vague forme humaine. C’était la jeune fille blonde que Prosper avait saluée au passage.

La physionomie de l’ouvrier s’était adoucie, s’imprégnait d’une sorte d’émotion…

« Ce qu’elle est gentille, cette Micheline !…non, de plus en plus ! Si ça n’avait pas été qu’elle ne veut pas entendre parler de se débarrasser de sa mère en la plantant dans un hospice quelconque, je connais quelqu’un qui n’aurait pas demandé mieux que de la conduire devant M. le maire… Travailleuse, sérieuse… Ah ! pour ça, oui ! Il ne faut pas s’aviser de plaisanter avec elle et de lui faire des compliments ! Trop bigote, par exemple… Mais je lui aurais fait passer ça. Dommage qu’elle ait sa mère sur le dos ! »

Une clé grinça dans la serrure, la porte s’ouvrit, livrant passage à une grande belle fille brune, vêtue avec recherche, et dont les traits