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LES DEUX FRATERNITÉS

Après le déjeuner, Prosper quitta aussitôt la villa pour prendre le train de Paris. Zélie alla s’habiller dans l’intention de faire des visites. Et Claudine, après une courte promenade dans le jardin, dut enfin venir s’asseoir près d’Alexis. Le jeune homme, la tête appuyée sur ses coussins, songeait, les yeux fixés sur le ciel d’un blanc grisâtre, chargé de neige, qui apparaissait derrière les vitres de la porte-fenêtre. Et, sans regarder Claudine, il prononça tout à coup d’une voix un peu basse et frémissante la question attendue de la jeune fille :

— Alors, Claudine, tu considérerais comme une épreuve de demeurer toujours près de moi ?

Elle leva la tête, et une pitié profonde vint la serrer au cœur devant ce visage creusé, tourmenté par la souffrance morale, devant cet être cloué, en pleine jeunesse, sur un lit d’infirme. Non, elle ne pouvait pas lui dire. Mais quelles paroles trouver pour lui répondre sans le blesser et sans lui faire croire cependant à des sentiments qui n’existaient pas en elle ?

Il tourna vers elle son regard rempli d’une inexprimable angoisse, il la vit silencieuse, hésitante. Sa main saisit brusquement celle de la jeune fille.

— On croirait que tu n’oses pas répondre ? Est-ce oui ? Est-ce non ? Parle franchement, je ne te demande que la vérité.

Il s’exprimait avec une violence contenue, ses doigts crispés s’enfonçaient dans le frêle poignet de Claudine. Et la pitié s’enfuit, Claudine ne vit