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LES DEUX FRATERNITÉS

— Heureuse !

Dans son regard, dans sa voix, dans le mouvement de sa tête, s’exprimait la protestation douloureuse qui s’élevait en elle.

Alexis devint plus pâle encore, ses traits eurent une crispation de souffrance. Mais les paroles qui entrouvraient déjà ses lèvres furent arrêtées par l’entrée de son père et de sa tante.

— Es-tu souffrant, Alexis ? s’écria Prosper à la vue du visage bouleversé de son fils.

Il répondit négativement. Mais pendant le repas il toucha à peine aux mets qui lui furent présentés et s’absorba dans un silence farouche, malgré les essais de conversation de son père et de sa tante.

Prosper Louviers montrait envers Claudine une excessive froideur. Évidemment, il ne pardonnait pas les audacieuses paroles de sa pupille s’élevant contre les théories prêchées par lui. Mais peu importait à Claudine, elle se cuirassait maintenant contre toutes ces blessures, contre ces duretés de ceux dont elle dépendait. Son rêve chantait en elle et lui voilait en ce moment la tristesse de son sort. Cependant, une appréhension lui demeurait, pour l’instant où elle allait se retrouver seule avec Alexis. Elle le connaissait assez pour avoir compris qu’il voudrait creuser toute sa pensée. Que lui dirait-elle alors ? Faudrait-il lui révéler que l’existence, par sa faute, avait été rendue infiniment pénible à la pupille de son père, au point qu’elle n’avait plus que le désir de s’éloigner de lui ?