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LES DEUX FRATERNITÉS

déjeuner, dans le petit salon où se trouvait Alexis. Le jeune homme lisait — ou plutôt était censé lire, car son regard sombre, passant par-dessus les pages de la revue, se fixait vaguement dans l’espace.

À l’entrée de Claudine, il tressaillit un peu et dit en essayant de prendre un ton gai :

— Voilà enfin cette blessée ! Le temps m’a paru bien long, Claudine !

Elle s’avança et lui tendit la main en demandant froidement :

— Comment vas-tu, Alexis ?

— Pas plus mal. Mais toi ? Ne t’es-tu pas trop ennuyée, toute seule là-haut ?

— Non, je me suis reposée, je me sens mieux maintenant, dit-elle avec la même froideur, en attirant une chaise pour s’asseoir près de lui.

— Alors, nous allons pouvoir reprendre nos conversations, nos études ? Je m’ennuyais sans toi, je n’avais plus de goût à rien.

Elle le regarda, surprise de l’émotion subite qui passait dans sa voix brève, et s’aperçut alors de sa pâleur, de sa maigreur plus grandes.

Il murmura d’un ton un peu étouffé :

— Je ne peux pas vivre sans toi, Claudine !

Un frisson d’effroi la parcourut des pieds à la tête. Mais, dominant l’émoi instinctif qui la saisissait, elle riposta avec une sorte d’ironie :

— Veux-tu me faire croire que je te suis indispensable ?

— Tu serais sans doute trop heureuse si je te répondais affirmativement ?