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LES DEUX FRATERNITÉS

pâle maintenant, une pénible émotion dans le regard. À la question railleuse de Léon, elle posa sur le jeune homme ce regard devenu soudain ferme et étincelant.

— Je ne connais pas le militarisme, mais seulement le patriotisme ! dit-elle nettement. Si peu que l’on m’en ait parlé, il a fait vibrer mon cœur. Et je me demande, quand vous aurez enlevé à la société ce dernier idéal, comment la vie sera possible pour les êtres qui veulent autre chose que les jouissances matérielles ou les passagères satisfactions de l’esprit.

— Oh ! là ! là ! cette réactionnaire ! clama Léon en se redressant sur son fauteuil avec un éclat de rire.

— De semblables paroles, chez moi ! dit Prosper d’une voix un peu étouffée par la colère. Je crois que ton aventure t’a tourné la cervelle. Tu vas t’en aller calmer ton exaltation dans ta chambre, et tu pourras y rester toute la journée. Ce repos te sera salutaire de toute façon.

Elle sortit, la tête haute, le cœur bondissant d’indignation. Une fois dans sa chambre, elle se laissa tomber dans un fauteuil, et, le front appuyé sur sa main, elle se mit à songer douloureusement.

Oh ! comme ils s’acharnaient tous à la faire souffrir, à la blesser profondément ! Pour eux, ces socialistes, ces soi-disant amis du peuple, elle, l’enfant trouvée, la pauvre créature dépendante, n’était qu’un paria ! Quelles âmes viles, sans idéal, sans honneur ! Voilà qu’Alexis lui-