Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
LES DEUX FRATERNITÉS

— Pourquoi est-elle comme une pivoine, alors ? riposta Léon en désignant Claudine.

— Parce qu’elle n’est qu’une petite sotte, qui connaît fort peu le monde, et prend pour de l’argent comptant les premières fadaises qu’on s’avise de lui débiter. Alors, tu as été escortée jusqu’ici par le lieutenant et son frère ?

Claudine se leva vivement en redressant la tête d’un mouvement plein de fierté.

M. de Mollens est un homme trop bien élevé, trop au courant de toutes les convenances pour avoir seulement eu cette idée ! dit-elle en essayant de parler avec calme. Après avoir reçu ses remerciements, je me suis éloignée avec Léonie, et il a poussé la discrétion jusqu’à demeurer fort en arrière avec son frère. Soyez sans crainte, vous n’avez rien à lui apprendre en fait de savoir-vivre ! ajouta-t-elle, emportée par la sourde irritation qui montait en elle.

— Insolente ! dit Prosper avec colère. Ah ! si, je lui apprendrai quelque chose !… Quand nous serons les maîtres, il verra comment nous traiterons les galonnés de son espèce ! Il a une façon de me regarder quand par hasard il me rencontre, cet animal-là ! Et son père est tout pareil. Mais nous verrons bien qui rira le dernier !

La haine vibrait dans son accent, elle s’échappait de son regard irrité.

— Bien dit, oncle Prosper ! s’exclama Léon. Tomber sur les aristos, sur les curés, sur les traîneurs de sabre ! Tout ça, c’est bon à pendre, sans jugement, encore ! Ah ! c’est que nous