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LES DEUX FRATERNITÉS

— Tiens, voilà Louis !… Bonjour, Louis !

Il s’adressait à un grand jeune homme blond, vêtu en ouvrier endimanché, qui venait d’ouvrir la petite porte de service.

— Bonjour, monsieur Robert !… Bonjour, mademoiselle, monsieur Henry ! dit-il en se découvrant.

— Bonjour, Louis, dit cordialement l’officier, tandis que sa sœur répondait par un aimable signe de tête au salut de l’arrivant. Viens-tu voir mon père ? Il est justement absent aujourd’hui.

— Ça ne fait rien, monsieur Henry, je vais vous expliquer la chose ; vous direz à M. le marquis pourquoi je venais.

Tout en parlant, le jeune ouvrier s’avançait, gravissait les degrés du perron et serrait la main que lui tendait le lieutenant.

Claudine s’éloigna de la fenêtre, elle demeura un instant au milieu de la chambre, le regard perdu dans un mystérieux lointain.

« Et pourquoi donc ne serais-je pas heureuse, moi aussi ? murmura-t-elle en redressant la tête. Le droit au bonheur, je l’ai comme les autres… Je comprends qu’à ceux qui croient à l’au-delà, ce prêtre puisse prêcher le sacrifice et la résignation, mais moi qui sais que rien ne subsiste après nous, moi dont les seules espérances sont dans la vie présente, je repousse la souffrance, je la hais… je veux… je veux le bonheur ! »