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LES DEUX FRATERNITÉS

La physionomie irritée d’Alexis se détendit soudain, une tristesse intense envahit ses prunelles sombres, et il murmura comme en se parlant à lui-même :

— Oui, la pensée du néant est parfois bien dure. On se prend à regretter…

Il s’interrompit avec une sorte de rire amer, et, se soulevant à demi sur ses coussins, il s’écria :

— C’est pour cela, Claudine, que nous devons tout faire pour être heureux tant que nous avons la vie ! Nous possédons tous le droit au bonheur. — Ça, c’est juste, mon garçon !

Prosper Louviers entrait dans le salon, en compagnie d’un homme de haute taille, au ventre bedonnant, au crâne chauve, à l’air important. C’était son ex-beau-frère, Jules Morand. Zélie l’avait toujours revu sans le moindre embarras, et elle avait même des relations avec la seconde Mme Morand, s’amusant fort, confiait-elle à ses amies, de voir ce gros Jules filer doux devant cette petite femme sèche et raide qui tenait ferme les cordons de la bourse.

— Oui, tu dis très juste, mon petit, continua Morand, tout en tendant au jeune homme sa large main. Le droit au bonheur, sapristi ! c’est le premier de tous ! Hein ! c’est ton avis, Louviers ?

Une contraction passa sur le visage de Pros-