loppait au passage les riches équipages, les automobiles luxueuses ; il s’arrêtait, fasciné et avide, devant les vitrines éblouissantes des joailliers, celles des grands confiseurs et des fleuristes en renom ; il effleurait avec une rage envieuse les acheteurs dont il apercevait à l’intérieur les silhouettes élégamment vêtues.
Une petite pluie fine se mit à tomber, et il se décida enfin à hâter le pas. Bientôt, il quitta les grands quartiers luxueux pour d’autres de plus modeste apparence, puis ce furent les rues populaires, bordées de maisons aux nombreuses fenêtres mal éclairées, avec leurs petites boutiques dont des devantures ne rappelaient que de fort loin celles qui laissaient encore une fascination au fond du regard de Prosper. Le jeune homme s’arrêta devant la porte d’un marchand de vin, parut se consulter un moment, puis ouvrit et entra dans la salle où plusieurs groupes d’ouvriers étaient attablés devant des apéritifs divers où dominait le vert trouble de l’absinthe.
— Tiens, Louviers !… Tu arrives bien, nous allons faire une manille !
— Une verte, hein ! mon petit ?
— Tu blagues, Miron ? Tu sais bien que ça lui tourne sur le cœur ?… Monsieur est de la ligue antialcoolique !
Un gros rire secoua les assistants, et Prosper, riant aussi, s’écria :
— Pas de crainte ! Ce n’est pas une raison parce que l’alcool ne me va pas pour que j’empêche les camarades d’en prendre. Nous