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LES DEUX FRATERNITÉS

— Oh ! là ! là ! quelle famille ! dit Prosper avec un rire narquois.

— Hein ? qu’est-ce que je te disais ? Le troisième garçon est externe à l’école à côté, les jeunes filles ont une institutrice.

— Mâtin ! tu as déjà des « tuyaux » sérieux ! As-tu donc été interviewer ces illustres personnages ?

— Tu peux croire ! Mais, avec les domestiques, on sait ce qu’on veut. Il paraît que toute la famille va chaque matin à la messe, qu’ils font tous des visites de charité, qu’ils s’occupent d’œuvres, de je ne sais quoi… Des modèles, enfin !

Et Zélie éclata de rire.

Prosper saisit un morceau de pain et le pétrit nerveusement.

— S’il y avait beaucoup de cléricaux de cette force-là, notre œuvre serait fameusement compromise ! murmura-t-il.

Un pli soucieux s’était creusé sur son front, et il ne s’était pas effacé lorsque, le café bu, le député se leva pour aller fumer dans le jardin.

Les domestiques reportèrent Alexis sur la terrasse. Claudine, après un moment d’hésitation, se dirigea aussi de ce côté. Elle prit sa broderie et, reculant sa chaise, s’assit assez loin du jeune homme.

Un long moment, le silence régna sur la terrasse. Claudine travaillait ; Alexis, la physionomie sombre, suivait d’un regard distrait le va-et-vient de son père à travers les allées du jardin.