Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
LES DEUX FRATERNITÉS

charmante et extrêmement distinguée dans une toilette d’intérieur d’une élégance très sobre.

Ils rentrèrent tous ensemble, et Claudine les suivit d’un regard où se mêlaient la douleur et l’envie.

« Comme ils doivent être heureux ! murmura-t-elle. Pourquoi y en a-t-il comme cela et puis d’autres, de pauvres êtres sans famille, sans nom même, comme moi ? Pourquoi y en a-t-il qui ont tout et d’autres rien ? »

La pendulette de Saxe sonna lentement douze coups. Claudine passa la main sur son front et s’approcha d’une glace afin de voir si les larmes avaient laissé quelque trace sur son visage. Non, il n’y paraissait pas. Mais elle n’avait jamais remarqué comme aujourd’hui la pâleur et la fatigue de sa physionomie.

Elle descendit avec lenteur, peu pressée de se retrouver avec Alexis. Il était déjà dans la salle à manger, où deux domestiques l’avaient porté sur sa chaise longue. Son père, debout près de lui, parlait avec quelque animation, et Zélie, assise à sa place, parcourait un journal.

Prosper Louviers avait vieilli depuis l’accident de son fils ; sa haute taille s’était légèrement voûtée, son teint avait jauni et ses traits se creusaient. Mais il avait toujours son regard d’autrefois, intelligent et froid, et cette allure d’homme satisfait de lui-même que lui avaient donnée ses succès politiques et sa grosse fortune.

Zélie avait pris quelque peu d’embonpoint, à