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LES DEUX FRATERNITÉS

C’est ainsi qu’un jour, entendant le jeune homme s’écrier : « Ah ! si Claudine était ici, je ne m’ennuierais pas tant ! » il télégraphia aussitôt pour que sa pupille arrivât immédiatement.

Claudine, qui venait d’avoir seize ans, se trouva dès lors enchaînée près de la chaise longue d’Alexis. L’affection qu’elle lui portait aurait rendu cette tâche assez facile et douce à la jeune fille, sans le changement survenu dans le caractère de l’infirme. Aigri et sourdement révolté, il laissait libre cours à ses instincts tyranniques et prétendait faire de Claudine une esclave, dont toutes les opinions, tous les goûts devaient être conformes aux siens. Mais la nature franche et fière de Claudine ne pliait pas si aisément ; elle ne craignait pas, parfois, d’exprimer ses idées personnelles. Ces essais d’indépendance morale avaient le don d’exaspérer Alexis, parfois jusqu’à la violence, ainsi qu’il en avait été aujourd’hui. Claudine avait à subir toutes les bourrasques de ce caractère ombrageux, Alexis ne lui ménageait pas les paroles dures ou mordantes que ne parvenaient pas à faire oublier ses rares moments de bienveillance et de relative douceur.

Claudine ressentait profondément les blessures : un peu de révolte, lentement, avait germé en elle, et, sans en avoir une exacte conscience, elle se détachait de celui qui semblait prendre plaisir à la faire souffrir, à la courber sous le joug de ses volontés.

Jusqu’ici, cependant, elle avait toujours pu