Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
LES DEUX FRATERNITÉS

— Quel ennui d’avoir des voisins ! Je voyais avant tant de satisfaction cette maison inhabitée ! dit-il tout à coup d’un ton de mauvaise humeur.

Il avait fait cette réflexion comme pour lui seul, sans paraître s’adresser à sa compagne. Celle-ci continuait à coudre en silence. Le jeune homme tourna la tête vers elle et dit avec colère :

— Daigneras-tu faire attention à ce que je dis, Claudine ? Je n’aime pas avoir l’air de parler à une sourde.

Elle arrêta le mouvement de son aiguille et leva les yeux, de grands yeux bleus fiers et sérieux.

— Ce que tu disais ne demandait pas de réponse, me semble-t-il ? fit-elle tranquillement.

Il riposta d’un ton acerbe :

— Crois-tu que je m’amuse à parler pour moi tout seul ? Tu es réellement désagréable, Claudine ! Tiens, laisse cette sempiternelle broderie qui me porte sur les nerfs et lis-moi le journal.

Un bref mouvement d’agacement agita les mains fines de la jeune fille. Cependant elle posa aussitôt son ouvrage sur la table près d’elle en demandant :

— Lequel ?

— Celui de père. Lis-moi son discours d’hier à la Chambre.

Elle prit un des journaux déposés sur la table et le déplia lentement. Puis elle se mit à lire,