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LES DEUX FRATERNITÉS

me répondez ! Mais je veux votre consentement, je le veux, Micheline !

Les grands yeux bleus de la jeune femme se posèrent sur lui, intrépides et hautains.

— Avez-vous donc envie, monsieur, que je vous laisse voir toute ma pensée ? Faut-il, pour votre contentement, que Micheline Mariey vous dise qu’elle n’a pour vous, l’égoïste jouisseur, le lâche excitateur du pauvre peuple, que le plus profond mépris ?

Un blasphème s’échappa des lèvres de Prosper. Sa face s’empourpra de fureur, il ébaucha un geste menaçant. Mais Micheline, très calme, serrant entre ses doigts frémissants la petite croix qui retombait sur son corsage, dit froidement :

— Au moindre appel, les voisins accourront. Vous devez vous rappeler que les murs sont des cloisons ici. Je vous conseille donc de sortir immédiatement, à moins que vous ne teniez à être reconnu, ce dont je doute, car vous avez choisi probablement à dessein cette heure tardive, et vous avez raison, certaines gens d’ici se rappellent encore le Prosper Louviers d’autrefois.

Il recula comme un animal dompté. D’un geste violent, il enfonça sur sa tête le chapeau qu’il avait enlevé en entrant.

— Vous voulez ma haine ? dit-il d’un ton de sourde fureur. Eh bien ! soyez satisfaite, vous l’avez. Et Prosper Louviers n’est pas de ceux qui oublient.