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LA PETITE CHANOINESSE

Chancenay, elle s’était surprise à se remémorer les quelques paroles échangées, à se revoir près de lui, dans l’allée de noyers… Troublée, inquiète, elle éloignait ces retours d’imagination. Mais bientôt, la fière silhouette masculine, les yeux aux ardentes lueurs orangées, le sourire d’ironie légère, très charmeur, se représentaient à son esprit, agitaient à nouveau son jeune cœur d’un vif émoi qui n’était autre que l’amour. Oui, elle aimait déjà Ogier, sans le savoir, avec une admiration ingénue à laquelle se mélangeait un peu de crainte, car Mme Antoinette n’avait pas manqué, chaque fois que s’en présentait l’occasion, de lui montrer l’humanité masculine sous de sombres couleurs.

Mme de Prexeuil ne se doutait pas de cet état d’esprit, que rien ne décelait au dehors, si ce n’est, peut-être, un léger changement dans l’humeur de la jeune fille, moins gaie, un peu plus songeuse. Satisfaite du prompt départ de M. de Chancenay, et n’imaginant pas qu’il dût jamais revenir — d’ici longtemps, du moins — à la paisible maison du Pré-Béni, elle se disait qu’au cas où il aurait fait sur le cerveau d’Élys quelque impression, celle-ci devrait s’effacer vite, chez une nature aussi raisonnable, aussi peu romanesque.