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LA PETITE CHANOINESSE

Ce regard d’Ogier, comme Élys l’aimait ! Il y avait en lui une force, une chaleur concentrée qui n’existaient pas dans celui du Chancenay d’avant la guerre. L’énergie, les nobles qualités en germe dans cette âme d’homme, et non développées par l’éducation, avaient magnifiquement jailli au milieu du danger, des privations, et sous l’influence de la responsabilité. Un être nouveau sortait de cette fournaise, et la transformation s’affirmait dans le regard, charmeur comme autrefois, mais différemment.

Pauvre madame Antoinette, comme vous l’aviez prévu, le capitaine de Chancenay, infirme, auréolé du prestige des héros, conservant dans ses yeux superbes le reflet des terribles heures vécues et des hautes pensées qui soulevaient son âme, devenait plus que jamais le maître du jeune cœur déjà tout à lui.

Elle s’en rendait bien compte. Point n’était besoin qu’Élys lui apprît qu’elle avait vu le jeune officier ; elle le devinait aussitôt, quand sa petite nièce rentrait. Ce lumineux regard dévoilait toutes les impressions de l’âme… Et la vieille dame, comprenant son impuissance, se laissait aller à un morne fatalisme, que coupaient parfois des accès de révolte secrète. Quoi, faudrait-il donc qu’elle cédât, qu’elle donnât sa petite Élys à ce Chan-