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LA PETITE CHANOINESSE

quentes atteintes de rhumatismes empêchaient de suivre ses nièces dans leur charitable et pieux office près de la petite population dépourvue d’aide spirituelle, tricotait sans relâche pour les défenseurs de la France. Ses deux vieux chevaux labouraient les terres des cultivateurs privés des leurs par la réquisition. Et dès qu’on avait besoin d’un conseil, d’un encouragement, c’était à Prexeuil qu’on venait, pour parler aux « dames », surtout à la jolie demoiselle Élys, qui avait toujours de si douces paroles.

Chaque matin, quand la jeune fille revenait de Gouxy, elle lisait le journal à sa grand’tante. Mme de Prexeuil l’écoutait en silence, réservant pour plus tard ses commentaires, toujours judicieux, souvent marqués d’une douloureuse indignation. Parfois, dans les mentions de morts glorieuses, dans les citations, elle retrouvait des noms connus — noms d’amis d’autrefois, ou de parents éloignés avec lesquels, depuis qu’elle s’enfermait dans la solitude, les relations, d’abord distendues, s’étaient peu à peu rompues. Elle écrivait alors quelques mots de sympathie, renouant ainsi dans l’épreuve les liens détachés au cours des années.

Un jour de décembre, Mme Bathilde et Élys, en revenant du village, entrèrent au Pré-Béni|