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LA PETITE CHANOINESSE

s’élevait malgré tout au-dessus de sa rancune. N’était-ce pas, en partie, parce qu’Élys avait une âme si haute, si délicatement loyale, qu’elle avait éveillé chez lui des sentiments insoupçonnés, qui semblaient si étranges et si doux à son cœur sceptique ? Eût-elle agi comme l’auraient fait d’autres femmes en pareille circonstance, il sentait fort bien que son amour pour elle aurait changé de nature, et perdu cette fleur délicate de l’estime et de la confiance dont il demeurait tout parfumé.

Mais puisqu’Élys demeurait inaccessible, à quoi bon se torturer l’esprit avec son souvenir ? Il fallait, à tout prix, éloigner celui-ci… Déjà, la photographie prise au Pré-Béni avait été enfermée dans un tiroir que n’ouvrait jamais Ogier. Puis le courant des distractions mondaines l’emportait à nouveau, et il essayait de s’y étourdir, de chasser la hantise qui le poursuivait partout.

Dans ce même but, il prenait un apparent intérêt à la grâce câline de Sari, à ses reparties drôles, qui l’amusaient l’année précédente. Mais la jolie Hongroise le laissait, au fond, parfaitement indifférent. Elle ne s’y trompait pas, d’ailleurs, et disait à sa mère :

— Je le sens toujours tellement loin de moi par la pensée ! Pour lui, je suis la distraction du