Page:Delly - L ondine de Capdeuilles.pdf/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


33
L’ONDINE DE CAPDEUILLES


une année de mariage. Sa femme, une très noble et très pauvre Irlandaise qu’il avait épousée un peu malgré moi, ne lui survécut guère. Ce fut à ce moment que je quittai le monde et m’enfermai ici. J’avais cinquante ans, ma santé chancelait. J’essayai de la culture, mais, sans expérience, j’y perdis une partie du peu d’argent qui me restait. Alors je m’endormis dans l’inaction. Je laissai couler le temps, grandir ma petite Roselyne, la seule joie pure de mon existence. Mais il y a quelques mois, une recrudescence de la maladie dont je souffre depuis des années, la menace d’une mort subite, peut-être prochaine, vinrent me réveiller de cet assoupissement égoïste. Je songeai avec épouvante qu’après moi, cette enfant très chère resterait sans ressources. Car le château est hypothéqué pour trente mille francs. Or, en dehors de lui, je n’ai plus rien.

Odon murmura :

— En effet, je comprends votre tourment.

Il regardait avec un mélange de pitié et de mépris cet homme, jadis jouisseur sans scrupules, oublieux de tous ses devoirs d’époux et de père, puis plus tard s’endormant dans une lâche inertie, alors que près de lui poussait une petite plante charmante dont il devait préparer l’avenir. Mais, si peu sensible que fût M. de Montluzac, l’émotion