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L’ONDINE DE CAPDEUILLES


des bassins, montait une odeur molle, humide, de moisissure et de mort. Sous les frondaisons épaisses des vieux arbres, le jour restait sans lumière, avec une teinte verdâtre de sépulcre. Odon eut un frisson léger. Il sentit venir la grande tristesse qui l’étreignait parfois, à certaines heures de son existence. L’homme adulé, le mondain sceptique, le grand seigneur opulent dont toutes les fantaisies faisaient loi, avait son secret de souffrance. Bien peu le soupçonnaient. On savait seulement qu’il avait perdu, dix ans auparavant, un frère jumeau — sa seule affection. Car sa mère était morte toute jeune, et son père n’avait été pour lui qu’un camarade charmant et léger, peu soucieux d’étudier et de comprendre l’âme fermée du garçonnet orgueilleux, du jeune homme ardent et volontaire qui disait de lui-même : « Personne ne me connaît… pas même Bernard. »

Bernard était son frère. Ils s’étaient profondément aimés, en dépit d’une différence complète de caractère. Odon dominait Bernard, plus faible, moralement et physiquement, d’intelligence moindre et de sensibilité presque maladive. Au cours d’un voyage en Italie, ce dernier mourut à vingt-cinq ans, de façon mystérieuse. Il fut trouvé étendu au bas d’un roc. Suicide ? Accident ? Les deux hypothèses eurent cours. La seconde fut