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une intelligence trop précoce pour ne pas savoir que ce mot : « la mort », signifiait la fin de la vie, l’immobilité que rien ne pouvait vaincre, la séparation définitive. L’année dernière, un chien qu’elle aimait s’était tout à coup affaissé tandis qu’elle essayait de le faire jouer comme de coutume. Mme Dourzen avait commencé de lui donner des soins, mais bientôt elle avait dit : « C’est inutile, il est mort. » Et un homme était venu, avait emporté le pauvre Orzo pour l’enterrer dans quelque coin.

Aussi, dès que la brusque annonce d’Anne-Marie avait frappé son oreille, l’enfant s’était-elle dressée, blême, épouvantée. Pendant un moment, elle était demeurée là, raidie, n’osant bouger. Puis, tout à coup, elle avait couru à l’escalier, l’avait monté, s’était précipitée dans la chambre dont la servante avait laissé la porte ouverte. Là, dans le vieux lit de chêne, reposait Varvara Dourzen. Gwen s’était approchée, avait posé ses doigts sur l’une des mains qui pendait. Au contact glacé, à la vue du visage livide, d’une impressionnante immobilité, l’enfant était demeurée d’abord saisie de terreur. Puis elle avait jeté un grand cri : « Maman ! » et elle s’était enfuie. Elle était allée se réfugier, pauvre petit être pantelant d’effroi et de chagrin, dans un coin de la cour où Anne-Marie l’avait trouvée, en revenant avec le médecin.

Elle s’était laissée conduire dans la salle,