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L’ORPHELINE DE TI-CARREC

Gwen marchait comme en un rêve, en se laissant guider par Hamadévi. Elle avait passé une nuit d’insomnie, en se demandant à quoi elle devait se résoudre. Pour une jeune fille à peine sortie de l’adolescence, et ignorant à peu près tout de la vie, la situation était en effet angoissante. Ce Dougual de Penanscoët qui voulait faire d’elle sa femme, elle ne le connaissait pas, au point de vue moral, et la façon dont il avait d’abord agi à son égard ne prévenait pas en sa faveur… Il est vrai qu’ensuite… Mais n’était-ce pas une habile comédie pour endormir sa défiance, pour se jouer d’elle, pour briser sa résistance ?

Quand cette pensée lui venait, Gwen sentait s’élever en elle une vive protestation. Elle le croyait sincère, réellement décidé à tenir ses promesses. Mais quelle était sa nature ? Élevé comme il l’avait dit, visiblement volontaire, accoutumé de tout voir plier devant lui, que serait-il pour elle, dont le cœur était si sensible et l’âme si fière ?

Mais, d’autre part, quelle existence l’attendait ? Elle avait connu l’abandon moral, le dédain, la pauvreté chez les Dourzen. Si elle n’épousait pas Dougual, que deviendrait-elle, seule, sans protection ? Car sa fierté se refuserait à accepter de lui une aide pécuniaire quelconque.

Puis encore, cet attrait déjà ressenti à l’égard du vicomte de Penanscoët, un instant disparu sous l’influence de l’indignation, re-