Page:Delly - L'orpheline de Ti-Carrec, 1981.pdf/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

missement dans la voix qui ripostait, froidement sardonique :

— Comment le sauriez-vous ? Avez-vous entendu une plainte sortir de ma bouche ?

— Non… mais je me doute bien qu’ayant aimé Ivor comme vous l’aimiez… aimant encore, sans doute…

Elle l’interrompit, du même ton de sèche ironie :

— Pourquoi « sans doute » ? N’est-ce pas la coutume que les victimes d’Ivor continuent d’aimer leur bourreau ? Parce que je suis sa femme, supposez-vous qu’il en doive être autrement ?

— Non, je ne le crois pas, Nouhourmal… Ivor est de ces êtres dont l’empire est indestructible. Et votre fils, pour cela, lui ressemblera.

Les lèvres dont le rouge sanglant tranchait sur la mate blancheur du visage eurent un long frémissement.

— … Votre fils, Nouhourmal, cet être comblé des plus beaux dons de la nature et qui, grâce à Ivor et à moi, sera un être supérieur. Cela ne peut-il pas compenser les souffrances que vous fait endurer votre époux ?

— Et même lui valoir ma reconnaissance ?… Mais oui, Appadjy. Qui vous dit que je ne la lui donne pas, complète, absolue ?

Sous les paupières demi-baissées, le regard scrutateur du brahmane cherchait en vain les