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comme d’aimer, de s’attacher fortement à une idée, à une ambition, comme tu l’as fait ?

— Je ne sais, Appadjy !… Je ne sais ! Moi, son père, je dois avouer que je ne le connais pas encore complètement. Il y a en lui une part d’énigme…

— De l’énigme, c’est cela… Et parfois, en sa présence, une inquiétude vague me prend. Quand je vois surtout dans ses yeux un certain air de songe… quand il a un certain sourire, étrange, mystérieux… eh bien ! Ivor, je me dis qu’il y a peut-être un Dougual que nous ne connaissons pas, qui a échappé à notre influence et nous réserve de désagréables surprises.

Ivor secoua la tête.

— Ce sont là imaginations de notre part, mon cher ami, et craintes sans fondement. Dougual, dès son enfance, a été entouré d’adulations. En exaltant ainsi son orgueil, nous avons pris soin de lui dessécher le cœur, de le pénétrer du plus complet égoïsme, pour qu’il reste insensible, cruellement indifférent devant la souffrance d’autrui et ne craigne pas d’asseoir, de maintenir sa domination par la terreur, s’il est nécessaire. Nous l’avons, en un mot, préparé à régner sur ces foules asiatiques séculairement accoutumées à l’esclavage et au culte de dieux impassibles, énigmatiques, dont les effigies nous ont été transmises par la pierre et les matières précieuses. Il s’est fait ainsi une personnalité à part. Mais c’est une