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rec. Le temps était gris et humide. Une forte brume voilait l’horizon. Des aboiements de chiens s’élevaient, venant du chenil de Kermazenc. À gauche, sur la lande, proche du parc, s’étendait le lieu d’atterrissage aménagé récemment pour les avions du comte de Penanscoët, qui usait beaucoup de ce genre de locomotion. Gwen, en jetant un coup d’œil de ce côté, pensa qu’elle aimerait bien s’élever ainsi dans les airs, et aller loin, loin, vers les fabuleuses contrées où devaient vivre les fées, les belles princesses et les Princes charmants.

La petite maison de la lande, bâtie en dur granit, défiait l’œuvre des siècles et des intempéries. Mme Dourzen avait cherché plusieurs fois à la louer, pendant l’été. Mais on la trouvait trop isolée et d’aspect trop sombre. Gwen n’avait donc pas eu le chagrin de voir profané par des étrangers ce logis où elle retrouvait intact le souvenir de sa mère. Plusieurs fois, depuis quatre ans, elle y était retournée secrètement, en saisissant comme aujourd’hui l’occasion d’une absence de Mme Dourzen. Elle montait à tâtons l’escalier, entrait dans la chambre qui avait été celle de Varvara, poussait les volets. L’air et le jour pénétraient dans la grande pièce où flottait une odeur de renfermé. Gwen s’agenouillait contre le lit, devant le grand crucifix de chêne, et priait pour sa mère, comme le lui avait recommandé le recteur. Puis elle se relevait, s’asseyait sur un petit tabouret qui était son siège habituel,