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tion… Mais il ne s’apercevait pas, pauvre oncle, que ces sentiments étaient augmentés, exaspérés en elle par une effrayante envie et un désir insatiable de jouissances et de domination ; il ne connaissait de Georgina que l’apparence aimable et rien de son âme ténébreuse.

» … Bien facilement, elle parvint à engager son père dans des spéculations hasardeuses, afin de se procurer des ressources plus étendues. Mais Gaétane, revenue au logis, la gênait extrêmement, car elle craignait l’influence de sa droiture et de ses sages conseils sur celui qu’elle tentait d’annihiler… Oui, Gaétane et Even, pleins d’indépendance et de loyauté, doués d’une foi indomptable, devaient mettre obstacle aux projets de cette malheureuse créature, en même temps que leur noblesse d’âme irritait jusqu’au paroxysme la fureur de sectaire soufflée par Roger Maublars. Vous savez de quelle manière elle réussit à éloigner pour jamais sa sœur de Bred’Languest, et quant à Even… Oh ! mon enfant, quels effrayants abîmes dans le cœur humain ! Hélas ! qu’a-t-elle fait de cet Even, chevaleresque et charmant ?… Un malheureux être sans volonté, sans élévation… En quelques années, elle était tranquille de tous côtés. Son père complètement dominé, sa mère sans raison, son frère affaibli moralement, sa sœur à jamais éloignée de la maison familiale… Désormais, elle agissait à son gré à Bred’Languest et, même, durant ses deux années de mariage, elle continua à tout y diriger. M. Orzal mort, et complètement ruiné — on prétend que ce sont ses conseils qui amenèrent la catastrophe — elle revint définitivement au manoir. Les dernières ressources s’épuisèrent vite, et je présume quelle dut en venir à je ne sais quels expédients pour faire face à ses dépenses, après avoir réduit ses parents à l’entière pauvreté.