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jambes lui refusèrent le service. Maintenant, elle ne marche plus du tout et, pour aller à la messe, Marie-François, son domestique, la traîne dans une petite voiture.

— Comment se fait-il que je ne l’aie pas vue tous ces dimanches à l’église ?

— Elle était très souffrante dès le début de l’hiver, m’a dit la vieille Fanny, sa servante.

— Elle est bonne, n’est-ce pas ?

— Ah ! oui, on peut le dire ! C’est une sainte…Patiente, aimable, charitable envers tous !… Mais, mademoiselle, murmura-t-elle avec une subite inquiétude, avez-vous l’intention d’aller la voir ? Mme Orzal ne vous le permettra pas, car elle la déteste…

— Parce qu’elle était l’amie de ma mère ?…

— Oui, mademoiselle, son amie très chère… Mais pensez donc, mademoiselle Alix, que je suis obligée de me cacher pour parler quelquefois à Fanny, dans la crainte qu’une mauvaise langue n’en instruise Mme Orzal ? Que serait-ce de vous ?… Jamais elle ne voudra…

— Aussi ne lui en demanderai-je pas l’autorisation. Je trouverai bien un moyen d’aller à Ker-Neven sans qu’elle le sache.

— Non, non, mademoiselle, ne faites pas cela ! s’écria Mathurine avec effroi. Elle est si habile, elle le saura !…

— Eh bien ! quand cela arriverait, Mathurine ? Je ne fais là rien de mal, j’imagine, et Mme Orzal ne m’empêchera jamais de faire mon devoir… Je dois voir ma cousine de Regbrenz.

— Ah ! comme vous ressemblez à Mlle Gaétane ! murmura la Bretonne avec un mélange de bonheur et d’angoisse. Elle non plus ne voulait pas reculer, et pourtant, pourtant !… Vous ne serez pas la plus forte… oh ! mademoiselle Alix, croyez-moi ! ne lut-