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Trois mois avaient passé depuis l’arrivée de la jeune fille et de ses frères à Bred’Languest. Désormais, leur vie était réglée, leur installation terminée… Les premières angoisses apaisées, Alix s’était remise au travail sous la direction de miss Elson et aidait parfois celle-ci dans sa tâche près des petits garçons. Plus particulièrement elle s’occupait de Gaétan, sur lequel elle possédait une extrême influence. Elle seule, à force de patients raisonnements, était parvenue à faire reprendre son travail à l’opiniâtre garçonnet… Il est vrai que l’ennui dont souffrait Gaétan, volontairement privé de ces études qu’il aimait, était puissamment venu en aide à la jeune fille. Maintenant, l’enfant travaillait avec ardeur et attendait impatiemment les jours de sa leçon de latin.

Tout semblait donc s’arranger d’une manière satisfaisante et Alix se répétait que ses craintes étaient vaines. Ses grands-parents, Georgina et Even n’avaient pas, il est vrai, changé d’attitude à son égard, mais ils la laissaient libre et paraissaient avoir toute confiance en miss Elson. Mme Orzal, si autoritaire cependant, ne s’occupait pas de ses neveux… Peut-être fallait-il attribuer cette tolérance à ses occupations multipliées ? Elle faisait, en effet, restaurer sa chambre et le salon du rez-de-chaussée voisin des appartements dévastés, en y apportant de notables changements. En outre, elle s’absentait fréquemment et rapportait, au retour, de nombreuses caisses renfermant des costumes élégants, qu’elle arborait peu après.

De son côté, Even demeurait souvent invisible. Après de brèves apparitions aux repas, il restait parfois huit jours sans reparaître. Où était-il, alors ?… À Ker-Mora, la maisonnette du promontoire, ou encore dans sa vieille tour, où Mathurine lui portait son repas. Celui-ci demeurait une énigme.