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été son bien intime et constant, cette chambre où elle avait vécu et où elle était morte ?…

— Ah ! voilà aussi Gaétan ! dit Mme Orzal en jetant un coup d’œil vers la porte.

Le petit garçon avait suivi de loin sa sœur et apparaissait à son tour dans la chambre. Ses yeux, devenus tout à coup singulièrement sombres, en firent le tour et s’arrêtèrent sur la chaise longue bien connue, où il avait toujours vu sa mère.

— Que vous arrive-t-il, Gaétan ? demanda Georgina, surprise de la profondeur de ce regard désolé.

— C’est là qu’elle est morte, dit-il d’un ton grave, vibrant de douleur.

Georgina détourna la tête et parut s’absorber dans la contemplation d’un motif ciselé du petit bureau… Alix, jugeant toute discussion inutile, prit la main de son frère pour sortir de la chambre. Au moment où elle allait en franchir le seuil, la voix de Mme Orzal s’éleva, un peu changée, lui parut-il.

— Si vous tenez à conserver cette chaise longue, je vous la laisse volontiers, ne m’en servant jamais… Faut-il vous la faire porter ?

— Certes, madame, nous n’abandonnerons pas ce cher et triste souvenir, répondit Alix avec une gravité fière.

Au bas de l’escalier, la jeune fille et son frère se heurtèrent à deux hommes portant une lourde caisse. Gaétan murmura :

— Alix, c’est le portrait de maman… Je reconnais la caisse.

D’un geste, Alix arrêta les porteurs.

— Vous a-t-on commandé de monter ceci ?

— Non, mademoiselle, et nous ne savons où il faut le mettre. L’un de nous va le demander à Mme Orzal.

— C’est inutile… Ceci est destiné à l’appartement