Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Georgina était là, debout au milieu de la pièce, surveillant deux hommes qui plaçaient l’armoire dans le jour le plus favorable. Une expression, tout à la fois triomphante et haineuse, animait ce visage impérieux… Alix frémit. Oubliant toute crainte, elle s’avança résolument.

— Eh bien ! que vous arrive-t-il, ma petite ? dit Georgina d’un ton mécontent. Vous nous tombez ainsi sur le dos…

— Pardon, je cherchais la chambre de maman et me demandais où elle avait été placée… Elle est maintenant un de nos chers souvenirs, car ma chère maman y a tant souffert !

Georgina recula un peu et sa main blanche, petite et d’une forme parfaite, se posa sur un meuble léger, qui craqua lamentablement. Une lueur soudaine avait traversé ses yeux gris…

— Mais, ma petite, seriez-vous sentimentale ? dit-elle d’un ton paisible, légèrement ironique. S’il fallait conserver en un lieu spécial et entourer d’honneur les chambres de ceux qui ne sont plus, quelles demeures nous faudrait-il !… Pour celle-ci, j’ai trouvé beaucoup plus raisonnable de l’utiliser, puisque vous avez la vôtre et qu’elle demeurerait sans emploi, reléguée dans les pièces humides des bâtiments inhabités. Je m’en servirai donc jusqu’au jour où vous en aurez besoin… Il en est de même du petit salon, inutile à votre âge, et très avantageusement remplacé par une salle d’études.

Il n’y avait rien à objecter. Georgina s’entourait de raisons plausibles et, surtout, elle avait pour elle l’autorité de son père… Alix jeta autour d’elle un regard navré. Combien elle eût préféré voir passer ces meubles en des mains étrangères ! Sa mère ne frémissait-elle pas dans sa tombe devant cette prise de possession, par sa persécutrice, de ce qui avait