Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu vois !… tu vois, Alix ! Partons !… allons n’importe où, pourvu que nous soyons libres !

— Petit fou ! dit-elle avec un sourire forcé. On aurait vite fait de nous rattraper, mon pauvre enfant !… Mais nous parlions de ma chambre. Avec une tenture claire, elle sera fort bien, je t’assure, Gaétan… La tienne te plaît-elle ?

— Pas du tout ! dit-il énergiquement en secouant sa tête rasée. Pourquoi m’a-t-on donné ces meubles-là ? Je dois avoir ceux de papa !

— Vous êtes bien jeune, mon enfant ! dit miss Elson qui entrait et avait entendu la réflexion. Pour le moment, il est raisonnable de vous donner ce mobilier plus simple, qui ornait votre chambre de Paris. Dans quelques années, à la bonne heure… Alix, où mettrons-nous votre piano ?

Elles discutèrent quelques instants sur le meilleur emplacement pour le superbe instrument si cher à la jeune fille et décidèrent enfin de le mettre, pour la commodité de tous, dans la pièce qui devait servir à la fois de salle d’études et de salon commun. Là devait être également placé le mobilier qui avait orné le petit salon de l’avenue du Bois-de-Boulogne.

— Mais voici quelque temps que je ne vois plus rien venir, fit observer miss Elson. Les ouvriers se reposent sans doute… Cependant ils sont bien longtemps.

— Je vais voir où ils en sont. Viens-tu, Gaétan ? proposa Alix, pour tenter de chasser le nuage descendu sur le front de son frère.

Sans répondre, il la suivit… Au moment où ils arrivaient au rez-de-chaussée, la forme contrefaite de Mathurine se dressa devant eux. Une violente agitation bouleversait les traits de la servante, et ses bras se levèrent au ciel en apercevant le frère et la sœur.

— Ah ! venez vite, mademoiselle, dit-elle d’un ton