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longue barbe blonde entourant un visage maigre, creusé, extrêmement halé, ce front haut et ridé, ce regard tout à la fois morose et dur… Oui, tout y était. Il ne manquait, en vérité, que l’armure. Ce personnage était prosaïquement vêtu d’un pantalon de toile grise et d’un veston en drap grossier, fort râpé.

Il s’arrêta quelques secondes dans une attitude stupéfaite et Alix sentit peser sur elle le regard glacé qui venait de l’affecter si désagréablement dans le portrait du chevalier. Le même petit frisson que tout à l’heure saisit la jeune fille.

D’un mouvement brusque, l’inconnu recula, et la porte se referma avec violence… Alix, un peu tremblante, s’empressa de quitter la malencontreuse galerie.

Était-ce donc là Even de Regbrenz ?… Mais quoi ! cet homme semblait déjà d’un certain âge, tandis qu’Even devait avoir de trente-deux à trente-trois ans… Et comment supposer que ce personnage pauvrement vêtu, d’apparence farouche et désagréable, fût celui que dépeignait dans l’une de ses lettres Alix de Regbrenz ?… cet Even au grand cœur, à l’intelligence si remarquable, ce preux chevalier auquel on ne reprochait qu’un peu de fierté et de recherche dans sa tenue, ce frère qui ressemblait tant à Gaétane ?… Impossible ! Celui qu’elle venait de voir était, sans doute, quelque parent de passage.

Tout en songeant ainsi, Alix avait retraversé salons et couloirs et parvint enfin à retrouver la salle où les enfants jouaient sous la surveillance de miss Elson.

— Mais qu’avez-vous donc fait, ma chère ? s’écria l’Anglaise. Votre robe est pleine de poussière !… Et comme vous semblez émue !

La jeune fille lui narra alors sa promenade dans