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tes crevasses, et les débris épars sur le sol étaient les preuves irrécusables de cette décrépitude.

Alix, en avançant, se trouva dans une seconde pièce, plus vaste encore, un peu éclairée par la lueur filtrant d’un volet mal joint. Là avait dû se trouver le principal salon de réception. Des boiseries blanches, il ne demeurait que des vestiges salis par la poussière et l’humidité. Le plafond, lamentablement crevassé, gardait des traces de peinture et même une tête d’enfant, bien conservée, souriait à l’un de ses angles. La cheminée de marbre blanc veiné de rose gisait à terre, brisée en plusieurs morceaux.

Et les pièces suivantes présentaient le même aspect de dévastation. Une humidité froide tombait sur les épaules et, dans l’atmosphère renfermée, flottait une odeur forte, relent de moisissure et de poussière. De ces salles délabrées, à jamais abandonnées, s’exhalait une impression de poignante mélancolie.

Tout en la ressentant vivement, Alix avançait toujours, attirée par le mystère de ces salons clos, voilés d’ombre, où se réunissait, deux siècles auparavant, l’élite de la noblesse bretonne. La Révolution avait passé là et jamais la demeure seigneuriale ne s’était relevée de ce coup. Insouciance de la part de ses maîtres… ou pénurie d’argent ?… On ne savait, mais le vieux manoir avait été irrémédiablement condamné à la ruine et à l’oubli.

En marchant toujours, après avoir traversé des corridors, des salles où son pied, à tout instant, heurtait quelques débris, Alix se trouva au seuil d’une longue et étroite galerie. La dernière des six fenêtres occupant toute une paroi était ouverte et le jour grisâtre, éclairant le mur opposé, permit à Alix de voir quelques portraits qui y étaient appendus. Sur le sol pavé de marbre — lequel était brisé