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d’elle-même, elle avança de quelques pas et, levant la tête, vit à une fenêtre Mme Orzal en peignoir clair orné de dentelles. Elle balbutia : « Bonjour, madame », le mot de tante ne parvenant pas à sortir de ses lèvres.

— Bonjour, ma petite… Pourquoi rester plantée là ? Vos frères s’impatientent… Allez donc faire connaissance avec le parc.

L’organe de Georgina conservait son velouté et son charme, mais il était aisé de discerner dans l’intonation une certaine sécheresse impérieuse… Alix obéit à l’invitation en allant rejoindre ses frères qui avaient pénétré dans le parc.

Allées et sentiers avaient disparu, et le pied foulait un tapis herbeux sur lequel les ronces s’entrelaçaient à loisir. Autour des enfants, les feuilles rousses ou jaune pâle voltigeaient, pour venir s’ajouter à la couche sèche que les pas faisaient craquer sans relâche. À tout instant, les jeunes promeneurs butaient contre les souches d’arbres dissimulées par ces feuilles… C’étaient là les seuls vestiges des arbres majestueux qui avaient sans doute orné ce parc et qu’un abattage sans pitié avait supprimés… probablement lorsque les Regbrenz s’étaient trouvés à bout de ressources.

La brise arrivait, plus forte, exhalant une pénétrante senteur marine ; à travers les troncs grêles s’entrevoyait un horizon bleu sombre tout rayonnant de lumière blonde. Gaétan se précipita et sa voix vibrante cria joyeusement :

— Alix, la mer !

En quelques pas rapides, la jeune fille eut atteint une petite terrasse fermée par une balustrade de pierre couverte de lichens. Dans sa paisible et radieuse splendeur, la mer s’étendait devant elle…

Enivrée d’admiration, elle s’accouda à la balustrade pour la contempler.