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orgueilleuse et rébarbative malgré l’écroulement dont elle était menacée.

— Il y aurait un de ces jours un accident que je n’en serais pas étonnée, murmura-t-elle d’une voix troublée. Ce ne serait pas le premier !… Cette tour est mauvaise, mademoiselle, n’en approchez jamais.

Une étrange émotion transformait le visage de Mathurine. Elle se détourna pour rentrer, mais Alix posa la main sur son bras.

— Dites-moi, Mathurine, y a-t-il longtemps que vous êtes au service de mes grands-parents ?

— À peu près depuis toujours, mademoiselle. Mon père était l’un des fermiers de M. de Regbrenz et j’ai été placée toute petite chez eux.

— Alors, vous avez connu ma mère ?

Un frémissement secoua la servante, et, joignant les mains, elle murmura :

— Si je l’ai connue !… Elle était ma sœur de lait !…

— Oh ! quel bonheur ! s’écria Alix, radieuse, en saisissant les mains durcies de la paysanne. Je pourrai donc vous parler d’elle, connaître la vie qu’elle menait ici…

— Mademoiselle !… mademoiselle !… balbutia la servante dont la physionomie exprimait un douloureux bouleversement… Pourquoi êtes-vous venue ici ?… Pourquoi ?…

Elle s’interrompit brusquement. Le bruit léger d’une fenêtre qui s’ouvrait se faisait entendre au-dessus de la tête des causeuses… Mathurine mit un doigt sur ses lèvres et rentra précipitamment.

— Eh bien ! que faites-vous là, Alix ? dit une voix douce, qui fit courir un frisson sous l’épiderme de la jeune fille.

Celle-ci demeurait toute stupéfaite de la brusque retraite de Mathurine… Reprenant un peu possession