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enfants… Tandis que miss Elson commençait à déshabiller doucement Xavier endormi sur un fauteuil, la jeune fille alla rejoindre Gaétan demeuré dans une autre pièce.

Le petit garçon avait ouvert la fenêtre et, accoudé au rebord, offrait son visage au vent très frais, parfumé de senteurs forestières mêlées d’effluves marins. Mais ses yeux, au lieu de se lever vers le ciel sombre, s’enfonçaient dans la nuit épaisse, et sa respiration précipitée trahissait une émotion puissante.

— Viens te coucher, mon Gaétan, dit Alix en lui posant la main sur l’épaule.

Il ne bougea pas, mais murmura, si bas que sa sœur l’entendit à peine :

— Non, je ne resterai pas ici… C’est trop pauvre, trop laid… Je veux partir…

Un douloureux soupir monta aux lèvres d’Alix. Oh ! oui, comme tout paraissait lamentable, dans cette demeure !… et cela non pas seulement au point de vue matériel ! Cette grand-mère sans raison, cet aïeul ironique et bizarre, l’énigmatique Georgina… Oui, tout était profondément triste et décourageant. Mais elle ne devait pas le laisser voir à l’enfant prêt à la révolte.

— Tout changera bientôt, tu verras, dit-elle en baisant tendrement le front glacé qui ne se détournait pas. Mais, viens, tu prendrais froid ici… Viens voir comme nous avons déjà un peu arrangé la chambre que tu partageras avec Xavier.

Malgré sa résistance, elle lui prit la main et l’entraîna. Il murmurait d’une voix sombre :

— Je m’en irai… Je ne resterai jamais ici… Jamais, Alix !

Et, cependant, une demi-heure pus tard, il dormait à poings fermés dans son vieux lit de sangle… Alix, brisée de fatigue, gagna enfin la chambre qui serait