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Ces pièces ont été longtemps abandonnées, les meubles vendus… Qu’avez-vous donc, petit ?

Ces mots s’adressaient à Gaétan qui s’était rapproché de la fenêtre et prêtait l’oreille à un son grave, une sorte de lent mugissement mêlé au souffle du vent qui s’élevait.

— Ce bruit ?… qu’est-ce donc ? demanda l’enfant.

— C’est la mer… Au jour, vous la verrez parfaitement d’ici.

— Tant mieux ! je l’aime tant ! s’écria Alix.

— Ah ! vous l’aimez !… Moi, je la déteste ! dit Georgina d’un ton bref. Bonsoir, miss, bonsoir, enfants. Mathurine couche au-dessus de vous, et vous pouvez vous adresser à elle en cas de besoin.

Elle salua légèrement miss Elson, fit un geste collectif à l’adresse des enfants et sortit de l’appartement.

L’Anglaise se laissa tomber sur un vieux sofa dont les crins s’échappaient par plusieurs déchirures. Elle semblait harassée, moins encore par la fatigue du voyage que par le découragement extrême éprouvé à la vue de cette bizarre et pauvre demeure… Alix, connaissant l’amour du confortable de l’excellente institutrice, devina ce qui se passait en elle.

— Ma chère miss, combien je regrette de vous avoir amenée ici ! dit-elle en s’approchant de miss Elson et en lui tendant la main.

L’Anglaise se redressa avec vivacité.

— Allons donc, chère petite, que me dites-vous là ? Bien au contraire, je suis plus que jamais satisfaite de vous avoir accompagnés, car… hum !… Enfin, soyez sans crainte, je ne regrette rien… Allons, choisissons nos chambres et mettons-nous vite au lit, mes chers enfants.

Elle s’était levée, affectant un entrain qui était bien loin d’elle. Alix la suivit dans les chambres et, peu après, tout était disposé pour le coucher des