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étrangement contrefait et contourné ; une de ses mains ne possédait plus que deux doigts, et son visage était littéralement criblé par la petite vérole… Mais ses yeux avaient une acuité extrême. Scrutateurs et ardents, ils allaient de l’un à l’autre des enfants, s’arrêtant plus longuement sur Gaétan et s’éclairant alors d’une émotion puissante.

Enfin ce repas s’acheva au soulagement de tous. Georgina, qui avait échangé de rares et banales paroles avec miss Elson, se leva vivement et, de nouveau, précéda les voyageurs dans le couloir. À l’extrémité, elle tourna à droite, ouvrit une porte et leur fit gravir un escalier en vis, dont les murs, jadis peints, montraient de lamentables lézardes.

— Vous êtes logés dans la cour de Saint-Conan et votre appartement se trouve tout à fait indépendant, dit Mme Orzal tout en montant. Malgré l’apparence, les chambres sont peu nombreuses ici, car l’aile gauche, tombant en ruine, est désormais inhabitable.

Un étroit palier conduisait à une petite salle nue, sur laquelle ouvraient deux pièces fort vastes. Une troisième porte menait, par un couloir, à deux autres chambres également de belles dimensions… Mais toutes les imaginations d’Alix étaient dépassées par le dénuement de cette demeure. De vieux lits de fer, un en bois vermoulu pour miss Elson, quelques tables, armoires et sièges en piteux état…, des tentures usées, raccommodées vaille que vaille, les planches du parquet disjointes et les plafonds à poutrelles d’une couleur indéfinissable, telles étaient ces chambres devant lesquelles se fussent récriés d’horreur les domestiques parisiens d’Alix.

— Vous vous arrangerez à votre guise, dit tranquillement Georgina, posant la lampe sur une table. Je pense que, prochainement, vous recevrez votre mobilier de Paris, et nous aurons à en tirer parti.