Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle se pencha pour baiser ce front creusé, en murmurant :

— Bonjour, grand-mère.

La vieille dame eut un léger tressaillement, sa physionomie exprima soudain une surprise mêlée d’angoisse… Mais une main sèche saisit la robe d’Alix, la forçant à se retourner, et elle vit alors son grand-père.

Il la dévisageait de ses yeux très enfoncés dans l’orbite, surmontés d’épais sourcils blancs, et Alix eut un petit frisson en rencontrant ce regard plein de curiosité hostile. D’ailleurs, qui n’aurait éprouvé un sentiment pénible devant ce visage grimaçant comme celui d’un squelette, marbré de plaques rouges et orné d’une barbe hirsute s’étalant en désordre sur un vêtement misérable ?… Alix aurait voulu reculer, fuir loin de là, mais la main décharnée la tenait solidement.

— Ça vous ennuie de quitter Paris, hein ? dit une voix rauque, empreinte d’ironie méchante.

— Oh ! oui, murmura sincèrement la pauvre Alix avec un élan qu’elle ne put dominer.

Un petit rire sec retentit… L’aïeul avait quitté la robe d’Alix et se frottait les mains avec satisfaction.

— Ah, ah ! c’est bien dommage !… Paris ! Elles ne rêvent que cela, les folles têtes ! Entends-tu, Gina ? Elle regrette de venir ici !

Sans répondre, Georgina se détourna et, saisissant par les épaules les petits garçons qui s’étaient rapprochés, les poussa vers le vieillard.

— Voici Gaétan et Xavier, père.

— Ah ! les garçons !… Approchez… plus près… Toi, le petit, tu ressembles… hum !… hum !…

Il toussa bruyamment et, sortant un vieux mouchoir à rayures jaunes, l’agita comme pour chasser une mouche importune.