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tristesse de ces ruines s’enveloppait de lumière…, une très douce, très délicate lumière, telle qu’il convient aux choses vécues. Majestueux jusqu’en son déclin, orgueilleux toujours, le vieux Bred’Languest, dans ce paysage automnal, et sous le ciel pâli de cette fin de jour, était une fière et mélancolique évocation d’un passé de noblesse chevaleresque, parfois coupable, mais plus souvent bienfaisante et héroïque.

— Pauvre château, j’étais vite arrivé à t’aimer, malgré mes belles protestations ! dit pensivement Gaétan. Sais-tu que c’est la ruine complète, Alix ?

— Oui, mais mon oncle a jugé inutile de tenter la restauration. Les Regbrenz ont tous disparu, toi, tu renonces à tout, et Xavier, dans sa carrière, n’aurait guère occasion d’en profiter. D’ailleurs, il aime peu Bred’Languest… Moi, je ne le vois plus… et puis qu’y ferais-je seule ?… Seule !

Ce mot vibra mélancoliquement dans le silence de la vieille cour, révélant toute la poignante angoisse de ce cœur aimant… Mais ce fut une fugitive défaillance. Avec une ferveur contenue, elle ajouta :

— Merci à Dieu qui a relevé, dans les cœurs enténébrés de nos pauvres et chers parents, des ruines bien autrement graves que celles-ci ! Les pierres de leur demeure s’en vont vers la destruction finale, mais eux vivent à jamais… Merci à Celui qui vous a rendus tels que vous êtes, mes bien-aimés, et, en vous enlevant à moi, vous donne le bonheur, la paix de la conscience satisfaite !

Ils se penchèrent simultanément vers elle et, avec la même tendresse reconnaissante, la baisèrent au front.

— Merci à ce Dieu bon qui t’a donnée à nous… Ma sœur, mon Alix, nous t’aimerons toujours, sans