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et l’entier renoncement dû à Dieu, l’amour divin, comme toujours, sortait triomphant, et Gaétan s’écriait encore en son cœur : « À vous ma vie, à vous tout ce qui est en moi, ô mon Seigneur ! »

— Voici cinq heures, dit-il tout à coup en sortant de sa songerie pour consulter sa montre. Il ne faut pas laisser cousine Alix trop longtemps seule, et, d’ailleurs, le vent fraîchit beaucoup.

— Repasserons-nous par le manoir ? demanda Alix en se levant.

— Oui, je voudrais le revoir encore une fois…

L’émotion faisait légèrement trembler sa voix. Il était venu dire un dernier adieu aux siens, au pays breton si cher, à la mer tant aimée… Demain, il s’en irait à l’aube, et dans quelques jours il partirait du séminaire des missions étrangères pour son poste lointain.

Il s’avança et jeta un long regard sur les flots houleux. Le soleil couchant, voilé de rose pâle, teintait délicieusement l’eau devenue verte, d’un beau vert changeant et argenté. Les écueils sombres s’éclairaient de lueurs radieuses ; là-bas, une brume diaphane et rosée descendait sur la côte sauvage, l’enveloppant d’une délicate écharpe de gaze… Jamais plus qu’en cette minute le terrible Océan ne s’était fait charmeur, attirant, plein de séduction et de lumière…

— Tu lui dis adieu ? murmura près de Gaétan une voix un peu frémissante. Tu l’aimais, notre bel Océan ?

— Oui, je l’aime… Je l’ai aimé dès le premier instant où il m’est apparu, car cette immensité, cette beauté ont révélé Dieu à mon âme anxieuse, perpétuellement agitée malgré sa jeunesse… Aujourd’hui, j’ai mieux que ces flots superbes, car je possède en moi leur Auteur et leur Maître.

Ils gagnèrent le parc envahi par la prenante mélan-